La parole à l'organisateur
Du 7 au 22 octobre 2015 //
L’auteur a 23 ans. Il se nomme Alfred de Musset et mène une vie dissolue dans les bras d’une maîtresse qui empeste le cigare et se fait appeler George. Sa pièce, Lorenzaccio, écrite en 1833, compte quatre-vingt personnages, trente-six changements de décor et noue plusieurs intrigues parallèles. Un défi à l’égard des conventions théâtrales mais qu’importe ! Il nommera cela Un spectacle dans un fauteuil, c’est-à-dire une pièce à lire chez soi. L’action se déroule à Florence en 1537, sous le règne d’un tyran, Alexandre de Médicis. Musset dépeint un pouvoir violent et amoral, une corruption généralisée et dénonce une impuissance révolutionnaire analogue à celle qui fut révélée par les journées révolutionnaires de juillet 1830 où la bourgeoisie française se soumit bien vite à Louis-Philippe. Pour libérer la cité du tyran, un jeune homme, Lorenzo, tout à la fois magnifique, tourmenté, intrépide et fragile, capable de se vautrer avec délices dans les pires turpitudes tout en conservant une âme innocente et emplie d’idéal, projette de tuer Alexandre. Son geste ne fera qu’éclairer la lâcheté des grandes familles républicaines qui dénoncent l’injustice mais se révèlent incapables, le jour venu, de faire face à leur devoir. « Je suis plus creux et plus vide qu’une statue de fer blanc » : cette réflexion acerbe et douloureuse de Lorenzo sur l’inanité de toute action politique résonne singulièrement aujourd’hui. Jeunesse déçue, désenchantement des citoyens, crise économique, monde politique vulgaire et cynique, tendances réactionnaires… Catherine Marnas voit en Lorenzaccio un écho poétique, philosophique et politique sur notre monde d’aujourd’hui. Dans sa mise en scène, pas de tableaux luxuriants de la Renaissance italienne, pas de décors monumentaux ni d’abondance de personnages, mais un texte plus resserré pour huit comédiens qui renforce le geste lancé à la destinée de Lorenzo, le rapprochant ainsi de son frère shakespearien, Hamlet.