La parole à l'organisateur
Dans la seconde moitié du 19e siècle, le paysage des Landes, son économie et les modes de vie des habitants connaissent des bouleversements considérables. Les espaces infinis de landes rases où dominent ajoncs, bruyères et molinie, où l'eau affleure en marais et lagunes, deviennent la plus grande forêt d'Europe plantée d'une seule essence : le pin maritime. Les horizons largement ouverts se ferment à la vue, l'antique système agro-pastoral disparaît, le berger devient forestier ou résinier, l'habitat en quartiers caractéristique d'une occupation de l'espace ancestrale est progressivement remplacé par le regroupement des habitants dans les bourgs.Profondément attaché à cette culture traditionnelle qu'il voit disparaître, Félix Arnaudin, né en 1844, décide, à l'approche de ses trente ans, d'en transmettre l'essence et de consacrer sa vie à la collecte du patrimoine oral et à la constitution d'une mémoire visuelle : projet colossal.Cette "Grande Lande", il la parcourt inlassablement en quête de gibiers, en quête d'images, en quête de contes, de légendes, de chants, de proverbes, d'histoire locale et d'histoires naturelles, de croyances, d'usages, de mots de la langue gasconne... Il lègue ainsi un amoncellement de cahiers, feuillets manuscrits et imprimés, coupures de journaux, correspondances, livres, revues, et un remarquable ensemble de photographies témoignant de sa passion immodérée pour son territoire.Le musée d'Aquitaine conserve l'essentiel de ses collections photographiques, soit plus de 3000 clichés sur plaques de verre surtout connues pour leur intérêt ethnographique. Cette première grande rétrospective exhaustive de l'œuvre photographique d'Arnaudin prend une autre dimension car ses images révèlent une approche esthétique digne des grands photographes de l'époque.A la recherche de l'image parfaite, il la construit méticuleusement en se donnant tous les moyens d'y parvenir. Il accompagne ses repérages de notes écrites et parfois de croquis. Il prépare rigoureusement ses séances de prises de vue, établit les listes d'objets et outils nécessaires, des figurants à convoquer, des vêtements à porter. Il prévoit l'ordonnancement de chaque personne dans l'espace et attend la meilleure lumière pour ses prises de vue.En même temps qu'on redécouvre aujourd'hui les écrits d'Arnaudin pour leur qualité littéraire, ses images retrouvent, avec cette exposition, leur place dans l'histoire de l'art photographique.