La parole à l'organisateur
Dans les films et les sculptures de Rosa Barba coexistent mémoire et fiction. Des récits proches du documentaire et d’autres, à la lisière de la science-fiction, se croisent au gré d’une large réflexion sur les qualités poétiques du paysage, en tant que lieu où sont inscrits les signes de l’histoire. L’artiste a une prédilection pour l’utilisation du film 16 ou 35mm, que ce soit comme médium ou pour les qualités sculpturales et matérielles de la pellicule, des projecteurs ou des faisceaux lumineux qui en émanent. Elle en analyse les limites et les possibilités, bouleversant l’expérience cinématographique traditionnelle et remettant en question la notion de temps linéaire. Des portraits d’architectures obsolètes et de paysages naturels, des prises de vue de déserts lointains, des ruines de constructions industrielles, des fragments de textes, des paroles d’artistes, de poètes et de géographes parcourent l’œuvre de Rosa Barba. L’artiste présente ces lieux comme autant d’espaces de la mémoire dans lesquels cohabitent certitudes et vulnérabilités, où le passé se mêle à un présent en constante évolution.
A l’occasion de son exposition au CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux, Rosa Barba réalise un nouveau film en 35mm destiné à être projeté en première mondiale dans l'espace monumental de la Nef. Tourné aux Etats-Unis, en partie dans les plus grandes archives audiovisuelles du monde — le Centre National de Conservation Audiovisuelle de la Bibliothèque du Congrès, situé à Culpeper en Virginie — le film De la source au poème nous invitera à réfléchir sur les lieux où l’histoire et la production culturelle sont conservées pour être transmises aux générations futures. S’intéressant à ce qui peut être considéré comme le patrimoine culturel de la civilisation occidentale au vingtième siècle, l’artiste précise : “Avec ce nouveau film 35mm je voudrais examiner de plus près les géographies que nous créons autour de nous. Je souhaite ouvrir un dialogue sur le sens et le contenu de l’effort collectif consenti pour préserver les valeurs culturelles.”
Conjointement à cette projection monumentale, le public pourra aussi découvrir une nouvelle installation lumineuse intitulée Hear, There, Where the Echoes Are — dans la continuité de la série White Museum — qui consistera en différentes sources de projection cinématographique orchestrées à travers une synchronisation entre elles. Le soir du vernissage, l’activation de chaque projection sera décidée, en direct, au rythme de la performance musicale du batteur Chad Taylor. Cette chorégraphie, configurée dans le contexte d’une écoute collective, restera comme une image rémanente dans l’installation, la pièce fonctionnant ensuite comme une sculpture orchestrée dans l’espace avec les visiteurs.