La parole à l'organisateur
On connaît l’amour de Joël Pommerat pour les contes – Pinocchio, Le Petit Chaperon rouge – qui oscille entre l’imaginaire foisonnant de l’enfance et la violence du monde des grands. Fantaisie contemporaine trash et hilarante – mieux vaut avoir passé les 10 ans pour s’y essayer –, sa Cendrillon s’inspire du conte des frères Grimm, plus âpre que la version de Perrault, et se débarrasse de l’imagerie douceâtre de Walt Disney.
Le prince y est haut comme trois pommes, un brin neurasthénique et pas vraiment rouleur de mécaniques ; la belle-mère peroxydée obnubilée par la chirurgie esthétique ; le père surtout lâche et absent ; les demi-sœurs idiotes et fausses ; la marraine-fée, une soixante-huitarde bravache. Et Cendrillon ? Elle s‘appelle Sandra, et trimbale sa mélancolie depuis la mort de sa mère à qui elle a promis de penser tous les jours. Accrochée à ce pacte intenable, elle s’empêtre dans la vie jusqu’à croiser ce drôle de prince, avec qui elle partage la douleur de la perte.
Cendrillon fut l’un des grands succès de la Compagnie Louis Brouillard – 450 représentations pour la version de 2011 –, et sa reprise attendue se fait avec une troupe presque inchangée si ce n’est le rôle principal de Cendrillon, la touchante et pétillante Léa Millet. La mise en scène tout en clair-obscur de Joël Pommerat et Éric Soyer sculpte les espaces, alterne les registres de l’abstraction et du burlesque, du glauque et du merveilleux. Un « classique » à la magie intacte.