Parle moi

La parole à l'organisateur

Entêtée comme une chèvre chilienne, à vouloir exister dans un monde où les histoires d’homme, les violences d’homme, avaient pris toute la place, dans un pays où les hommes n’avaient que des expressions d’homme à la bouche : « Puta huevon, la hueva, boludo, maricon » j’en passe et des pires, où les militaires estimaient l’avoir emporté parce qu’ils étaient plus machos et le prouvaient par l’humiliation, la torture, le viol des femmes et la disparition des enfants.

En vraie chilienne, Isabel pleure plus souvent qu’elle ne parle, rit aux larmes, crie aux larmes, confondant larmes de chagrin et larmes de bonheur dans un même flot. Isabel tiene una pena que no puede nombrar. Elle a une peine qu’elle ne peut nommer. Chaque larme est l’écrin d’une histoire qui tue. Quand Isabel a suffisamment pleuré, quand les larmes sèchent au soleil, les histoire sortent à leur tour, se bousculent dans des sanglots à la porte des lèvres, avec un léger accent qui a goût d’aji et de cilandro, la peau s’obscurcit jusqu’à devenir aussi sombre que la lave des volcans, les yeux noircissent comme des vagues du Pacifique, et l’indienne renaît, fille de la déesse-mère qui crache à la figure du conquérant, des images, des fables, des contes, jusqu’à refaire un monde plus doux, plus sensuel, plus gourmand, moins homme, plus humain.