La parole à l'organisateur
Une écriture collective dirigée par Lisa Guez
Mise en forme par Valentine Krasnochok
Pourquoi ont-elles ouvert la porte ? Lisa Guez et ses cinq comédiennes interrogent notre rapport ambigu au désir en explorant les zones d’ombre du conte de Perrault.
Les contes sont rarement des histoires pour enfants. Si celui de la Barbe bleue a connu une telle pérennité, c’est sans doute parce qu’il parle de nos terreurs les plus secrètes autant que de l’ambiguïté de nos désirs. Tendre époux et assassin sanguinaire, épouse vénale et proie innocente, le récit met en scène, derrière l’apparente limpidité du conte, des personnages complexes et contradictoires, où bourreau et victime forment un couple indissociable. Le spectacle de Lisa Guez s’inscrit résolument dans une réflexion qui, dans le sillage du mouvement MeToo, interroge la violence patriarcale au sein de la société contemporaine. Mais en s’appuyant sur une lecture nourrie de psychanalyse, elle pousse la réflexion plus avant. En excluant la Barbe bleue du plateau pour se concentrer sur ses épouses, elle interroge l’incorporation de cette violence par ces femmes, et ose alors poser, loin de toute bienséance politique, les questions interdites comme autant de portes fermées à clef : celles du désir du mal et de la violence. Pour l’accompagner dans sa quête de réponses libératrice, la jeune metteuse en scène s’est entourée de cinq comédiennes singulières et complémentaires. Dans un processus d’écriture née de la parole qui accorde néanmoins une place fondamentale au texte, elles ont composé ensemble un quintet troublant qui leur a valu en 2019 le prix du jury et le prix des lycéens du festival Impatience.